Ce site rassemble, depuis 2009, la synthèse de mes cours et conférences. Il contribue par des textes génératifs à une ascèse personnelle et à une réflexion sur la crise de civilisation du monde moderne, du XVII au XXIe siècles, et sur la crise morale, politique et évolutive de l’humanité. Il ouvre sur la définition d’un Nouveau Phalanstère, hypothèse d’un réseau atopique, décalé pour penser une écosophie, un art d’habiter humainement le monde dans lequel le rapport simple et direct à l’être remet en perspective la place que la technoscience et sa rationalité occupaient dans le monde moderne.
J’enseigne les Arts Energétiques, moins comme des techniques sportives que comme les exercices spirituels d’une diététique consciente, un art de nourrir la vie, comme une pratique de Pleine Conscience, mettant l’accent sur la simplification de l’existence – les références bibliques, grecques, spécialement stoïciennes, chinoises et indiennes nourrissant sa réflexion – la référence au phalanstère servant de trame humoristique pour montrer comment se vit socialement au quotidien son projet harmonien dans un monde qui l’est si peu…
Candidat pour la Paix et pour une autre idée du Vivre-Ensemble à travers la défense de la Cause Animale aux Législatives 2012 et 2017 (avec l’Alliance Ecologiste indépendante). Médaillé d’honneur par le Général Wan Su Jian (Croix Rouge Internationale, à Pékin, 2015) pour mes recherches pratiques sur les Arts Energétiques dans le cadre de l’association Ynergy. Je partage occasionnellement un enseignement autour de l’assise et du souffle, de la diététique et de la médecine chinoise, et régulièrement autour de la philosophie antique (grecque et chinoise) comme exercice spirituel.
L’outil méthodologique est celui d’une analyse médicale de la crise de la rationalité occidentale, tant au niveau personnel d’une quête du bonheur, qu’au niveau politique et à travers un dialogue avec le souverainisme socialiste à la chinoise (sujet d’une deuxième thèse de Doctorat en cours 2019-2021) . Les articles peuvent donc également se ranger dans l’une ou l’autre des quatre catégories suivantes :
- Diagnostic : analyse des signes de la crise de la Raison – ce sont pour l’essentiel les articles concernant le développement durable, la bioéthique, l’actualité scientifique, l’économie, la géopolitique, la sociologie et l’histoire.
- Etiologie : analyse des causes de la crise (exemple : articles Indice de crise…) – ce sont pour l’essentiel tous les articles d’anthropologie, d’épistémologie et d’histoire de la philosophie qui permettent de comprendre rationnellement la crise du rationalisme.
- Pronostic : analyse des raisons d’espérer ou de douter (exemple : article Catastrophisme…)
- Prescription : analyse des réponses au problème de la Crise – individuelle ou collective.
Un monde humain
Etat des lieux et projet
L’idéal d’un monde humain renvoie au double objectif d’un monde équitable pour tous les humains (soucieux d’une meilleure répartition des richesses matérielles et symboliques, à destination de tous, et notamment des plus défavorisés : enfants, femmes, handicapés, etc.) et cohabitable avec toutes les autres espèces vivantes dans un environnement préservé. Nous ne vivons pas seulement une Crise sociale et écologique mais nous souffrons d’un sous-développement humain au coeur même des sociétés industrialisées qui pensaient avoir édifié une culture (celle des Lumières) contre l’obscurantisme et la barbarie. Si les causes en sont imputables aux Appétits humains de la superclasse mondiale (Huntington, 2004) qui exacerbent les rivalités en marchandisant le monde (Marx, Capial, livre 1), il est possible d’y remédier par une Réforme politique et spirituelle fondée sur l’ascèse personnelle et collective, d’où se déduiront les mesures d’une réforme scientifique et politique ; l’analyse de ses principes se ramène à celle d’une paideia de la puissance, d’une culture (dionysiaque) dela joie d’exister. Observant dans nos sociétés industrielles la saturation du modèle de civilisation violent contre toutes les formes de vie et l’émergence possible d’un nouveau modèle de civilisation avec sa lente ré-orientalisation des conduites qui cherche à compenser les excès du consumérisme, il faut tenter de construire une Somme Ecologique/Ecosophique ou Euchosophique qui essaie de nous doter d’outils pour mieux prendre la mesure de cette crise dans le devenir profond de la philosophie, des sciences, de la société, des questions politiques, économiques et environnementales, mais d’abord et surtout dans la naissance d’un style de vie nouveau fondé sur l’éveil spirituel et l’ouverture intellectuelle des consciences.
Le monde (et les conflits qui le déchirent) n’y sont pas pris comme un simple donné, mais plutôt comme une construction de notre perception, comme un effet de perspective (voir l’article « perspectivisme ») – qui est aussi un projet de civilisation : celui de la civilisation technoscientifique, prométhéenne qui dans son rapport au désir, irrite nos manques et reste sourd à notre besoin fondamental de reliance.
Notre « phalanstère » présupposera donc que tout monde ne fait véritablement monde que s’il est humain, porté par des valeurs qui exaltent la dignité humaine dans la conscience des interrelations avec le tout (aux autres, au corps, à la nature, aux appartenances sociales diverses). Il ne s’agit pas de railler l’inhumanité ou la barbarie (à laquelle l’humanité industrialisée succombe) mais de dépasser les formes réductrices de l’agir humain, enfermé dans les bornes étroites de préoccupations utilitaristes qui nous conduisent aux portes de la Sixième Extinction biologique des Espèces, dans un tissu de relations en décomposition (atomisation des sociétés occidentales, déséquilibres des rapports Nord-Sud, mais aussi séparation de l’homme et de la nature, individualisme rival, sadisme industriel envers les animaux, etc.), c’est-à-dire dans un monde morcelé, qui a justement du mal à faire « un » monde parce que, livré à la maximisation de la recherche du profit, il s’est à la fois déshumanisé (au sens éthique du terme, i.e. privé d’empathie) et artificialisé. Le caractère sur-artificiel du monde moderne tient essentiellement en ce que le progrès technique n’y consiste plus qu’à apporter des solutions au problème qu’il a lui-même engendré.
A la différence des économistes, des géographes ou des écophilosophes qui se préoccupent de mesures juridiques ou institutionnelles, l’audace d’une approche philosophique et sociologique de ces questions consiste, loin des discours dérisoires du (sous-)Développement Durable et des ratiocinations universitaires parfois ambiguës (pour des raisons analysées plus loin), à redécouvrir la joie d’une simplicité fondamentale, d’un « ne rien faire » paradoxal autour de l’assise et de l’écoute d’une Nature silencieuse. Il ne s’agit pas d’une molle indifférence qui négligerait notre devenir historique et encore moins d’un « laissez-faire » libéral-productiviste; ni paresse, ni cynisme : le recueillement invite à tout autre chose, au Tout autre. (Voir l’article Simplicité).
Il ne s’agit donc pas de « faire » quelques propositions de plus comme un supplément d’âme en marge des programmes politiques bien connus de gauche ou de droite, mais de ruminer les principes d’un un art de vivre écosophique/euchosophique intemporel et toujours actuel, autour des questions éternelles de la justice, du courage, de la tempérance, de la sagesse, et du bien que nous pouvons faire aux autres.
L’objectif d’un monde humain renvoie cependant moins à un but qu’à un effet, car en le visant directement (sur le mode de l’action politique telle qu’en mène les politiques), on le manquerait ou on le durcirait à coup sur. Il s’agit d’un objectif paradoxal qu’on ne pourra atteindre qu’à condition de s’en détacher – et en tous cas de se détacher des moyens de pouvoir par lesquels même les philosophes les plus subtils ont cru un peu naïvement pouvoir l’atteindre (je pense à la mésaventure de Platon avec le tyran Denys). Il s’agit d’un objectif qu’on ne peut atteindre, pour ainsi dire, que de biais, sans chercher à le réaliser ou à le saisir, à s’en emparer, à le maîtriser. Toute visée volontariste sur le mode d’un projet de prise de pouvoir politique ne risque bien que rajouter à la confusion… cette confusion qui fait l’histoire politique des Nations.
Notons que la France compte environ 40 000 000 de chrétiens, 4 à 5 000 000 de musulmans, 1 million de bouddhistes, 300 000 juifs, sans parler de toutes les traditions spirituelles déistes, agnostiques ou athées (environ 300 000 pratiquants de Yoga et de Qi gong, etc.). Ces chiffres nous rappellent à une civilisation qui ne peut se réduire à la société de consommation et à l’idéal du consommateur ou de l’homo economicus peu à peu dépouillé de son pouvoir de décision sur les normes souveraines du vivre-ensemble par les mécanismes aliénants des post-démocraties (M.Geoffroy, 2018). Ils contiennent à la fois les risques et les espoirs d’une alternative au paradigme libéral-productiviste de la politique. Risque majeur : le communautarisme, le repli identitaire. Espoirs : celui d’un au-delà de l’économicisme et de ses mystifications scientifiques et pseudoreligieuses (B Maris, JP Dupuy).
Poursuivons une discussion du concept illitchien de contre-productivité et du concept de développement humain initié par Amartya Sen (habituellement limité à trois paramètres idéologiques : accès aux soins de santé, accès à l’éducation, PIB/hab). Il faut approfondir l’analyse du malaise de la civilisation occidentale, camouflé dans les calculs de l’IDH par une consommation croissante de médicaments psychotropes (alors que les statistiques sur ce sujet ne manquent pas), et nous demander comment une meilleure humanisation du monde est possible : s’agit-il d’augmenter encore les richesses pour permettre à tous de se payer les soins qui permettront de guérir les maladies que ces mêmes richesses ont causé ? On devine l’absurdité dans laquelle Prométhée est enchainé. Sisyphe est aussi un aussi bon symbole de cette modernité. Un monde humain ? Un monde absurde ! L’ascèse personnelle (bouddhiste, orphique, stoïcienne, pranique, etc.) porte l’espoir de lui redonner sens…
Antidiscours de la Méthode
Un Monde Humain est un discours qui prend la forme d’un protocole médical : structuré par 4 hypothèses qui forment une méthode – nouveau « discours de la méthode » qui n’est pas sans s’inspirer du Troisième Discours dans lequel Descartes nous invitait stoïquement à « changer nos désirs plutôt que l’ordre du monde ». Descartes ne voulait pas seulement nous inviter à « nous rendre comme maîtres et possesseurs de la Nature » (Cinquième Discours), formule mal comprise qui exprimait d’ailleurs moins chez lui une soif de domination matérielle qu’une généreuse bienveillance et une curiosité insatiables. Tout se passe en effet comme si la Modernité, oublieuse des équilibres géométriques qui faisaient toute la rigueur et les nuances de l’âge classique, s’était au contraire rendue malade d’une frénésie d’accommoder le monde à son avidité de jouissance matérielle, dès la fin du XIXe siècle. L’âge prométhéen-icarien de la Modernité s’est probablement construit sur la trahison plus que sur la réalisation du projet inaugural de Descartes. Cet âge de développement technoscientifique industriel fut donc finalement celui d’une antiméthode.
Pour reprendre un mot d’A. Negri, cité par E. Morin, « la crise n’est pas le contraire du développement, mais sa forme même » pour une raison simple : ce développement n’est pas partageable; ou pour le dire autrement : il est fondé sur la production des biens dont la possession pour les uns implique privation pour les autres. La civilisation prométhéenne a un caractère essentiellement torturé : chaque matin un vautour vient dévorer le foie de Prométhée, et chaque nuit, il se régénère. Comme Dionysos, Prométhée doit affirmer la douleur pour ne pas en mourir. Mais jusqu’où un tel héroïsme est-il tenable, pour un individu autant que pour une civilisation ? Icare, victime des illusions qui l’aveuglent, ne voit pas que ses ailes fondent, et il en mourra. Nous croulons sous l’accumulation des signes de fatigue. Les crises de croissance des XIXe et XXe siècles n’ont-elles pas tourné avec la crise sanitaire du Covid-19, à la crise systémique, c’est-à-dire à la crise de confiance généralisée? Mais attention, car toute crise est ambiguë : comportant ses risques mortels, elle porte aussi l’espoir d’une renaissance.
Tout pronostic doit être précédé d’un diagnostic. Et nous ne sommes pas sûrs que les diagnostics les plus étayés fassent l’objet d’un consensus de la communauté scientifique. Aussi avons-nous l’ambition d’aider à préciser surtout cette première étape du protocole. Cette crise, nous l’analyserons sous trois angles, dans l’espoir d’aider à l’élaboration d’un diagnostic plus exhaustif (repérage de tous les indices de crise) que l’on pourrait organiser autour de :
- nos procédures de production de connaissances – i.e. la science moderne, suspectée d’aboutir à des contradictions indépassables, de se rétrécir et de ne plus répondre à notre besoin de sens = crise épistémique (voir les articles : Indices de crise)
- nos procédures de production matérielle – i.e. l’économie et l’industrie technologique suspectes de menacer la vie et la Nature dont elles se nourrissent = crise économique et écologique (voir par exemple : Economystification)
- nos procédures de reliance – i.e. notre capacité à vivre ensemble dans un monde globalisé (sans norme de vérité transcendante universellement acceptée) et dont le partage des ressources pose plus que jamais des problèmes de justice sociale = crise politique ( ou crise de la socialité)
Pour comprendre la crise de civilisation, i.e. le changement de paradigme sociétal que nous traversons peut-être, nous avons suivi un protocole médical, (inspiré dans sa structure, du Sermon de Bénarès, résonnant avec de nombreux discours de sagesse à dimension médicale tels qu’on le trouve chez les Stoïciens, Jésus, etc.) :
- Un Diagnostic des principaux indices de la crise (crise épistémique, crise techno-écologique, crise politique).
- Une Etiologie qui se développe principalement comme une analyse de l’avidité et de l’ignorance produits par un rationalisme utilitariste qui restreint nos capacités d’interprétation du réel – opposé à une rationalité ouverte capable de collaborer avec les diverses productions de l’imaginaire symbolique (ici, nous sommes sur les pas de G. Durand ou de E. Morin).
- Un Pronostic écosophique qui tente de faire l’analyse des différentes formes de discours, savants ou non, sur l’écosophie, la science écologique et l’écologie politique.
- Une Ordonnance ou prescription, c’est-à-dire un ensemble de remèdes, de pistes, d’hypothèses – consistant pour l’essentiel à chanter la venue d’une civilisation euchologique ou neptique, civilisation de la simplicité et de l’attention, réconciliée avec sa vulnérabilité. (Voir Accueil (4) : Simplicité.)
Toute crise n’est pas nécessairement pathologique (ainsi de la crise de croissance) mais dans le cas de notre civilisation moderne, certains indices montrent qu’elle l’est en effet : la dimension religieuse ou spirituelle des sociétés humaines ayant été évacuée par le rationalisme d’un Prométhée scientiste qui ne veut rien devoir qu’à lui-même en évacuant les Dieux, des phénomènes majeurs indiquent le retour d’un refoulé qui peut prendre des formes menaçantes, par l’intermédiaire d’un espoir messianique et révolutionnaire capable d’inquiéter les formes de pouvoir les plus autoritaires (Fa Lun Gong fait le siège du Zhong Nan Hai, Chine, avril 1999) et les états modernes les plus armés (attentas terroristes ou supposés tels, depuis New York 2001 et Scott Atran sur Daech)…
Simplicité
La civilisation moderne, prométhéenne, technoscientifique aura été une civilisation de l’artifice, et les travaux d’Ivan Ilitch ont depuis longtemps montré que le progrès technique ne consiste désormais qu’à apporter des solutions aux problèmes qu’il a lui-même engendré. (Voir notamment ses analyses des phénomènes de contre-productivité). Elle est donc devenue, en grande partie, absurde.
C’est pourquoi les alternatifs culturels, les méditants, font et feront toujours plus nombreux le choix de la simplicité (Eurostat les évalue à 100 millions en Europe en 2010). La simplicité, ce n’est pas le refus des objets technologiques qui peuvent à l’occasion être de bons serviteurs; c’est surtout le refus de l’idéologie du progrès et le refus de toute complicité à l’égard de l’ego et de son libéralisme avide. La simplicité est le contraire de l’avidité comprise au double sens de : 1. soif ou appétit de l’ego, désir, et 2. ignorance (avidya, selon l’étymologie sanskrite). La simplicité n’est tout simplement pas complice des stratagèmes de l’ego, parce que la simplicité, qui n’est pas niaiserie ou naïveté, consiste à regarder précisément les singeries de l’ego, y compris de celui que E. Morin appelle « crétin universitaire ».
Vivre simplement, c’est donc plutôt désapprendre. Cette simplicité est symbolisée par un dragon (en grec drako) dont le nom dériverait du verbe derkomai qui signifie « je scrute », ce qui souligne que ce désapprentissage est une drôle d »activité, mais certainement pas une paresse facile, car ce dragon doit être vaincu. La simplicité n’est pas facile, ne va pas de soi et ne se fait pas sans effort tant que l’ego en fait son affaire. Elle peut même être suprêmement difficile pour l’ego qui ne sait pas prendre les choses sous un autre angle que celui de la volonté et de l’effort.
La simplicité diminue l’emprise des désirs, de la volonté, l’inflation de l’ego et nous réconcilie avec notre vulnérabilité (la nôtre et celle d’autrui). Elle fonde ce qu’on pourrait appeler une politique de la bienveillance, et que j’appellerais volontiers une « politique de l’impossible » car c’est une politique qui suppose que ce n’est pas en changeant les lois ou en faisant progresser les technosciences que nous humaniserons le monde, mais en nous changeant nous-mêmes – projet dont on peut raisonnablement douter qu’il soit possible à grande échelle…
La simplicité n’exige aucune adhésion à une tradition spirituelle déterminée : on peut avoir un Dieu, un maître ou un guide – ou ne pas en avoir. Chacune de ces options comporte ses avantages et ses pièges (qui renvoient toujours à l’orgueil : celui d’être indépendant de toute référence ou celui de pouvoir s’autoriser d’un maître supérieur). La simplicité implique plutôt le courage de ne pas s’autoriser d’une tradition (ce qui n’exclut pas de s’y ressourcer, de s’y nourrir), de tenter une parole à la première personne, de s’y risquer avec nos questions sans réponse et nos faiblesses.
Le goût de la simplicité révèle que la catastrophe a toujours-déjà eu lieu, que la catastrophe n’est pas seulement la catastrophe économique (celle des subprimes) ou celle de la technoscience (clonant l’humanité, militarisée, réchauffant la planète, etc.), celle qui récemment diagnostiquée nous conduirait peu à peu vers la Sixième Extinction, mais une catastrophe consubstantielle à notre médiocre-humanité et donc, au fond, aussi vieille que l’homme : la catastrophe fondamentale, c’est la subversion égotique, prométhéenne de notre rapport aux choses, subversion inhérente à notre ego, et à laquelle la simplicité doit apporter remède.
Voilà la catastrophe essentielle, la distorsion fondamentale, la « chute » originelle dont la simplicité nous relève, quoique parler de catastrophe puisse être un peu exagéré, puisque tout dépend du degré de solidité de notre ego. Nos « ego » ne sont pas tous égaux : certains sont plus solidifiés ; d’autres sont plus légers!
Vivre simplement suppose évidemment de ne pas faire de la simplicité un but à atteindre, et encore moins un acquis dont l’ego pourrait se glorifier à l’instar de ce maître spirituel qui affirmerait que : « question humilité, je ne crains personne »! Il y a une sorte de contradiction psychologique à vouloir être simple; c’est un point essentiel à la pratique de la méditation. La simplicité n’est ni but ni performance. La simplicité est elle aussi toujours-déjà là, et plus essentielle encore que les illusions de l’ego, puisqu’elle elle est ce qui reste lorsque les illusions ont fondu; elle revient à ce qui est toujours déjà là, et se garde bien d’y rajouter quoique ce soit. Elle est tout le contraire du fantasme d’un éveil à atteindre, ou d’une expérience qui ferait trembler la terre et tomber la foudre, d’une frénésie des lendemains qui chantent. L’accès à la simplicité est lui-même extrêmement simple. Il n’y a pas à en faire un plat ou une montagne.
Bien qu’il n’y ait dans l’expérience même de cette simplicité rien de scientifique, les conditions d’accès à la simplicité se laisseront analyser, discuter philosophiquement, phénoménologiquement. Pourquoi pas en effet? La simplicité ne s’oppose pas à la complexité de l’analyse intellectuelle la plus subtile -Jankélévitch nous en a convaincu. La simplicité est trop simple pour s’opposer à rien; elle n’a pas besoin de se dire, mais elle n’empêche pas qu’on en parle. Il viendra même un jour où, on peut l’espérer, l’analyse des Données immédiates de la conscience (celles de Bergson en tête) feront l’objet d’études scientifiques plus abondantes que celles des OGM ou des nanotechnologies! Et à vrai dire, cette science de la simplicité a déjà bien commencé : Bergson, Sri Aurobindo, Jankélévitch, et alii en ont jeté les bases, et même bien avant eux, Zénon, Epictète, Marc Aurèle, Bouddha ou Jésus; mais elle reste éclipsée par des sciences qui sont au service de la volonté de maîtrise technoscientifique du monde (et même si nous sommes avertis qu’à la rentrée 2012, l’Université de Médecine de Strasbourg demande à ses médecins de pratiquer la méditation dans son diplôme « Méditation et neurosciences », cela reste tout à fait exceptionnel dans le paysage universitaire français!!). Nous ne sommes pas encore sortis de la modernité humaine trop humaine, nous ne sommes pas encore, collectivement, conscients d’être entrés dans la civilisation de la simplicité…