Pourquoi un lexique bouddhico-stoïcien?
La redéfinition d’un certain nombre de termes venus du bouddhisme peut être mise en correspondance avec celle des termes stoïciens. Il ne s’agit pas simplement de traduire en grec ou latin les termes du sanskrit, mais de comprendre que les finalités éthico-pratiques de ces deux sagesses sont troublantes par leurs ressemblances.
On pourrait aussi par des raisons historiques – qui sont peut-être en quelques sortes une conséquence des conquêtes alexandrines jusqu’en Inde qui sont tout juste antérieures à la naissance du Stoïcisme. C’est à cette époque qu’on voit, chez les philosophes apparaître mention de gumnosophoi, gymnosophistes, nom grec qu’ils ont donné aux yogis de l’Inde. Zénon n’a pas rencontré ces yogis, mais il a connu ces débats, étant arrivé en Grèce alors que les Diadoques à peine rentrés de Campagne s’entredéchiraient…
A notre époque, le stoïcisme a peut-être une question à poser à l’européanisation du bouddhisme contre lequel Nietzsche déjà nous mettait en garde, craignant d’y reconnaître l’expression moderne du nihilisme. Le nihilisme consiste bien à dire « non » à la vie, et cela se traduit par une fuite devant la vie, par un certain essoufflement et des rechignements devant ses épreuves, par un besoin de consolation, la volonté de s’anesthésier, de s’étourdir et de s’endormir comme j’ai pu moi-même l’observer dans quelques monastères locaux ou centres de méditations labellisés – où le sommeil de la méditation étaient bien plus qu’une simple métaphore. Pourquoi s’assied-on? Pourquoi se pose-t-on? Pour se reposer de notre fatigue de vivre (comme la mode du zen et de l’antistress en développe le thème)? Ou pour aller d’un pas joyeux vers de nouveaux continents intérieurs et en relever les défis?
C’est en conscience de ce risque que j’invite chacun à s’asseoir en silence pour méditer, avec le double vocabulaire du bouddhisme et du stoïcisme.
La liste, aujustable (merci d’avance pour vos remarques, critiques, suggestions) est la suivante :
Tanha – Désir :::: orexis, désirer, oregesthai (=/= ekklinein, fuir ou de phobos, crainte:aversion)
Désir-impulsion : hormè Vs. Aversion : aphormè
upekka – équanimité ::::adiaphora – indifférence
samatha – pénitude de la paix :::: apatheia, ataraxia, tranquillitas
Vipassana, Vision pénétrante :::: Theoria, Vue
Panna, sagesse :::: Phronésis, sagesse ou prudence
Buddha, Esprit d’Eveil :::: Hyperphron, grandeur d’âme
Magga, chemin, sentier, méthode :::: Methodos
Sila, morale :::: Ethiké
Samadhi, discipline mentale ::: askésis, ascèse ou exercice
Cita, esprit :::: Noûs, Daimon, Genius, esprit, daimon, génie
Prana, souffle, énergie :::: pneuma, souffle, énergie
Thatagatha, celui qui voit les choses telles qu’elles sont :::: Fantasia kataleptikè, représentation adéquate ou objective, non souillés de jugements
Karma, destin :::: Heimarmémné – Destin, Ananké – Nécessité, fatum – Destin
dhyana, méditation :::: Mélétè, méditation
Metta, amour :::: philia, agapè, amour
Anicca, tout change :::: metamorphosis
Dhamma, Loi :::: Logos, ordre ou raison des choses
Moksha, liberation :::: Eleutheria
Pratyahara, retrait de sens :::: Eumareia, impassibilité
Vinaya, règle :::: oikeiôsis, ce qu’il convient de faire – devoir, officium