Ethique : Notions communes

Comment comprendre ce que Spinoza appelle « notions communes » (Ethique, II, 37-30) ? C’est un certain type de rapport sous lequel des corps peuvent s’accorder et des corps peuvent s’accorder en tant qu’ils ont des propriétés communes. Les propriétés communes sont celles de l’Etendue, et dans un premier cas nous avons affaire à des notions communes générales c’est-à-dire qui peuvent s’appliquer à plusieurs corps. Mais il existe aussi des notions communes qui expriment la convenance de deux ou plusieurs corps singuliers en tant qu’ils ont des propriétés qu’ils ne partagent pas avec l’ensemble de l’attribut Etendue.

Or ce genre de notions communes qui exprime d’abord la compatibilité de deux modes est prouvé d’abord en leur corps : nous connaissons spontanément ces notions communes lorsque nous éprouvons de la joie – une affection par laquelle notre propre puissance d’agir se trouve accrue. La joie est l’expérience de la notion commune particulière. Elle est l’expression dans l’esprit de la convenance de notre corps et d’autres corps. Il y a de la joie dans chacune de nos perceptions dans la mesure où elles impliquent l’exercice d’un organe, la vue par exemple, ou l’audition : par là, nous saisissons directement des notions communes.

Par contre, la tristesse ou la crainte expriment ce en quoi notre nature corporelle est contrariée. Jamais la tristesse ne conduira à former des notions communes. Réciproquement, si nous éprouvons la joie de comprendre, c’est-à-dire le passage de notre puissance de penser d’une perfection moindre à une perfection supérieure, donc si nous éprouvons un accroissement de la puissance de penser, il y aura un accroissement correspondant de la puissance du corps. Il n’est pas possible qu’il y ait un sentiment de joie sans accroissement de la puissance du corps, c’est-à-dire l’expression dans le corps des rapports de composition avec les autres corps tel que le pouvoir de percevoir des corps se trouve accru.