L’Epicurisme est, d’abord, comme la stoïcisme une manière de vivre.
Sa méthode est différente de celle que proposent les Stoïciens, et les philosophes modernes ont décidé de tendre ces différences jusqu’à la contradiction.
On peut, comme le faisaient parfois les stoïciens eux-mêmes (notamment Sénèque s’adressant à Lucilius), prendre un parti contraire et souligner à partir d’objectifs communs, la complémentarité des méthodes. Adopter l’épicurisme en soutien.
L’Epicurisme n’est pas une philosophie de « pourceaux » comme ses détracteurs ont pu réussir à le faire croire, mais un entrainement qui vise également la simplification de l’existence. L’Epicurien écarte les désirs non-naturels (toutes les richesses, la gloire), puis parmi les désirs naturels (les plaisirs sensuels, le sommeil, etc.), ceux qui ne sont pas nécessaires – dont on réduira progressivement le nombre ou la quantité (en refusant les aliments luxueux par exemple, et en diminuant le volume du bol alimentaire, ce qui d’ailleurs réduira automatiquement le besoin de sommeil, apaise le désir sexuel, etc.).
On voit par ces exercices auxquels chacun peut s’essayer, qu’il n’est pas sûr qu’une telle ascèse soit de l’ordre de la détente et du relâchement comme les philosophes (et même Pierre Hadot!) l’ont peut-être trop dit.
Que reste-t-il quand on a accompli une telle épure? Plus grand chose pour les amateurs de jouissances. Mais reste le pur plaisir d’exister qu’accompagne la tranquillité intérieure, l’ataraxie. Dormir? Peu. Se nourrir encore, oui, mais à peine autant qu’il faut pour maintenir le corps en vie, conformément d’ailleurs à la maxime socratique selon laquelle il faut « que ton appétit soit ton meilleurs assaisonnement » (Mémorables, Xénophon). Et l’amitié par laquelle on s’encourage mutuellement dans l’exercice des vertus – grande vertu socratique également.
Nous sommes donc très loin du style de vie de l’intellectuel moderne. Loin aussi de la vie de plaisirs auxquels les chrétiens nous avaient fait croire que les Epicuriens se livraient.
Le plaisir chez Epicure ne s’entend-il pas plutôt au singulier : ne s’agissait-il pas simplement pour lui de souligner que le bonheur est un état agréable? Que le bonheur soit un état agréable ne permet pas de déduire qu’Epicure ait voulu nous encourager à chercher dans les plaisirs ordinaires le moyen d’y atteindre. Il développe le paradoxe d’un bonheur qu’on atteint en renonçant plutôt à la multiplication boulimique et au fond insatisfaite des plaisirs non nécessaires et non naturels. Quête qui tend à la limite vers un pur plaisir d’exister. Pur : non mélangé de plaisirs non naturels ou non nécessaires. Le plaisir contre les plaisirs. Il faut simplifier, et simplifier encore pour se libérer. Jouir d’un pur plaisir, non des plaisirs.